Une famille, zéro déchet : l'interview de Jérémie Pichon
À partir du 17/08/2019
Il y a quelques années, Jérémie Pichon fait un pari sur l’avenir. Il embarque toute sa famille dans l’aventure moderne du Zéro déchet. Objectif ? Consommer moins en changeant ses habitudes et opter pour un mode de vie plus sobre et sain. Jérémie Pichon fait part de ses petits secrets à tous ceux qui, comme lui, veulent faire tenir dans un bocal leurs déchets produits en une année.
Propos recueillis par Arnaud Pagès.
On change quoi dans son quotidien quand on veut vivre Zéro déchet ?
Pour commencer, nous avons arrêté d’aller faire nos courses dans les supermarchés et dans les centres commerciaux. Nous achetons toute notre alimentation uniquement en circuit-court. Nous allons au marché du coin. Un maraîcher local nous approvisionne en fruits et en légumes frais et en produits régionaux, du fromage, du pain, des céréales… Nous ne manquons de rien. Nous évitons les produits industriels, car ce sont souvent eux qui sont nocifs pour l’environnement.
Et pour ce qui n’est pas alimentaire ?
Nous achetons uniquement d’occasion, en choisissant des produits les plus durables possible. Nous privilégions avant tout le partage. Nous allons à la bibliothèque pour emprunter des jeux et des livres que nous ramenons à la maison.
"Les gens ont conscience que ce qu’ils mangent
est chargé en produits chimiques néfastes
et ils veulent une alimentation plus saine."
Mais comment en êtes-vous arrivé là ?
Depuis 2006, je suis directeur de l’ONG environnementale Mountain Riders, et également membre de la Surfrider Foundation. J’ai parcouru pendant dix-huit ans les chemins de montagne et les plages du littoral pour ramasser les déchets plastique qui abîment les écosystèmes et l’océan. Mais quand je rentrais chez moi, j’en jetais dans ma poubelle. Il y avait là une incohérence majeure. J’ai examiné de plus près cette fameuse poubelle et j’ai constaté que nous pouvions nous passer de la grande majorité de ce qu’elle contenait. C’est comme ça que nous avons décidé de nous diriger vers le Zéro déchet. Aujourd’hui, nous ne jetons plus qu’un petit bocal de déchets par an, alors qu’avant c’était une poubelle pleine par semaine.
Comment vos enfants ont-ils accueilli cette transition ?
Ils ont toujours connu les couches lavables et le circuit-court. Ils sont nés là-dedans. Pour eux, c’est une qualité de vie qu’ils jugent intéressante. Par exemple, ils n’ont pas de caries car ils ne sont pas gavés de sucre en permanence. Ils en ont conscience et ils sont au courant des enjeux pour leur avenir. Ils ont 8 et 10 ans et ils sont parfois attirés par ce que propose la société de consommation. Ils ont envie de certaines choses, comme d’avoir une PlayStation à la maison. Nous arrivons à les raisonner. Ils comprennent.
Jérémie Pichon @ Laure Briochi
Et leurs copains ?
Nos enfants mènent une vie tout à fait normale. Ils ne sont pas exclus, ni montrés du doigt. À l’école, ils jouent au foot. Ils ont des baskets achetées d’occasion. À la maison, ils ont des Lego et ils y jouent avec leurs copains. C’est un jouet intergénérationnel et durable. On peut garder les briques plusieurs dizaines d’années sans problème. Ils ne regardent pas la télé et vivent très bien sans. Ils sont dans le système, mais simplement avec plus de sobriété que les autres.
"Nos enfants mènent une vie tout à fait normale.
Ils ne sont pas exclus, ni montrés du doigt.
À l’école, ils jouent au foot.
Ils ont des baskets d’occasion."
Alors on mange quoi dans une famille Zéro déchet ?
Des produits de qualité, achetés sur le marché bien sûr. Récemment [au printemps, NDLR], j’ai fait un gratin de choux romanesco avec du riz. Et en entrée une salade d’endive et de fenouil avec de la coriandre. Non seulement nous mangeons bien et nous nous régalons à table, mais nous protégeons également notre santé et l’environnement.
Allez-vous pousser encore plus loin votre transition ?
Nous avons fait le bilan carbone de notre famille. En achetant local et d’occasion, nous avons divisé par 3 notre "empreinte carbone", c’est-à-dire l’impact que chacun de nous a sur l’environnement en utilisant des énergies fossiles carbonées et des produits fabriqués à partir du pétrole, comme le plastique par exemple. Nous avons bien avancé dans notre projet. Notre famille émet 4 tonnes de CO2 par an, c’est-à-dire nettement moins que les 12 tonnes rejetées par chaque français en moyenne. Mais encore trop par rapport aux 2,1 tonnes préconisées par les experts pour éviter un réchauffement trop important de la planète. Nous allons réorienter notre épargne vers des projets solidaires et faire construire une maison écologique. Et nous allons investir dans des vélos électriques. Nous nous plaçons dans une logique d’amélioration continue.
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Aller plus loin
Voilà un livre qui va faire du bien à la planète. Rédigé par Jérémie Pichon et illustré par sa compagne Bénédicte Moret, Famille en transition écologique est un guide pour tendre vers la sobriété en adoptant un mode de vie respectueux de l’environnement. Véritable bible de l’écoresponsabilité, l’ouvrage fait le point de façon très détaillée sur le changement climatique et ses conséquences désastreuses, à l’aune des toutes dernières études scientifiques. C’est également un petit précis des changements que chacun peut opérer au quotidien pour éviter une élévation trop importante des températures. Chaque secteur de la vie quotidienne est passé au crible – argent, transport, alimentation, consommation, énergie – afin de déterminer son degré d’émission de CO2 et les solutions à mettre en œuvre, de façon simple et pratique. Mais Famille en transition écologique est avant tout un témoignage. Celui de Jérémie Pichon qui raconte comment il mène depuis 2014, avec sa famille, cette transition. Et comment nous avons tous et toutes, à notre échelle, les moyens d’agir pour l’environnement.
Retrouvez l’interview de Jérémie Pichon dans le n°106 de CULTURE(S)BIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.